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vendredi 13 février 2015

Mystères Féminins et Cultes à Mystères


Voici quelques années que le mot «mystère» fleurit allègrement sur les sites et forums paganisants, en particulier dans le cadre du Féminin Sacré. Avant cela, de mystère, on en faisait aussi pas mal au sein de la Wicca, mais ce mystère restait intimement lié à l’initiation, et au fameux passage de la Charge de la Déesse stipulant que le véritable mystère est de trouver la Déesse (et tout ce qui va avec : magie, connaissance, communion divine, etc.) en soi et non en dehors de soi.

Pour les connaisseurs les plus avertis qui avaient lu Gardner (dans Witchcraft Today, chapitre 7, The Witches and the Mysteries), ils avaient connaissance du lien que ce dernier avait établi entre d’anciens cultes à mystères représentés sur les murs de la Villa des Mystères à Pompéi, et la Wicca. Les hypothèses de Gardner sur la fresque de la Villa des Mystères sont depuis longtemps dépassées par la recherche archéologique et historique actuelle, mais l’intuition d’un rapport entre Wicca et   cultes à mystères demeure.

Ainsi coexistent dans un certain flou l’idée de cultes à mystères et de mystères féminins, que beaucoup confondent faute d’une définition claire de ces deux choses qui peuvent parfois se rejoindre, mais qui sont la plupart du temps bien distinctes. Cette question avait été l’une des premières que j’avais dû me poser lorsque j’ai abordé les recherches pour mon mémoire de master «Femmes et cultes à mystères dans l’Italie de la Rome républicaine», étant donné que ce sujet s’intéressait non pas aux mystères féminins, mais aux cultes à mystères, mais qu’il concernait l’expérience féminine de ces cultes à mystères.

L’initiation est donc le dévoilement de choses cachées, un point central séparant ce qu’il y avait avant de ce qu’il y aurait après comme deux vies différentes ; le premier pas sur un cheminement destiné à se prolonger longuement.

Les cultes à mystères
Voici un extrait introductif de mon rapport de recherches, au moment où il fallait poser la différence claire entre cultes à mystères et mystères féminins :

Si le lien qui a pu exister entre les femmes et ce type de cultes doit être étudié, ceux-ci ne sont pas pour autant obligatoirement strictement féminins, un culte à mystères peut être un culte réservé aux femmes mais se détache bien des cultes matronaux ordinaires [c’est à dire les mystères féminins et cultes réservés aux femmes] ou des sacrifices faits par les femmes.

Le terme important ici est le mot «mystères».
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit apparemment pas de gestes ou de cérémonies strictement secrètes, comportant des éléments extraordinaires et insolites, puisque les thèmes de différents cultes à mystères semblent largement connus de tous, et même plus, représentés très librement sans souci apparent de secret ou, du moins, de secret absolu, ainsi l’exemple de la fresque dionysiaque de la Villa des Mystères à Pompéi ou la connaissance de certaines parties rituelles par des hommes du culte de Bona Dea, qui est strictement féminin.

Par ailleurs, les objets employés lors de ces rites et auxquels est rattaché tout un symbolisme des mystères se révèlent être relativement communs. Le véritable sens des mystères se révèle donc dans le déroulement de la cérémonie, le symbolisme qui est donné aux différents objets de ces cultes ; et enfin, aux paroles prononcées qui elles, étaient gardées secrètes et faisaient l’objet du serment de ne rien divulguer de ces mystères.

Le culte à mystères de même, ne saurait l’être sans un élément essentiel qui est l’initiation. C’est lors de cette initiation que les objets, leur symbolisme et les paroles sacrées sont divulgués à l’initié.

On reconnaît généralement à l’initiation un caractère eschatologique ; ainsi si on essaie de faire un comparatisme entre différents mystères, on retrouve certains éléments mythiques d’un culte à l’autre, notamment le thème de la mort de la divinité par démembrement puis sa renaissance (tel que c’est le cas dans les mystères de Dionysos, ceux impliquant Osiris et Isis, dans les mystères de Demeter et Perséphone également).


L’initiation rejoue tel un théâtre sacré ces mythes qui aboutissent à l’apothéose et qui permet de placer le nouvel initié sous la protection de la divinité, si ce n’est pas lui donner accès à cette essence divine jusqu’à ce que les deux se confondent. Dès lors, l’initié est garanti d’un sort meilleur dans l’au-delà promis par la divinité à laquelle il s’est consacré. [...] Quoi qu’il en soit, il est significatif qu’il n’y ait pas de mystères sans une certaine forme de mort et de renaissance de la divinité, et par contagion, de l’initié.

Il ne faut par ailleurs pas se borner à la seule explication eschatologique des mystères. Comme le rappelle JM. Pailler pour Bacchus, on retrouve dans les bacchanales le désir d’un bonheur terrestre, et si les orphiques ont donné une couleur mystique à Bacchus, la plus lointaine tradition remontant aux bacchantes atteste d’un dieu porteur d’un bonheur dans l’ici et le maintenant, d’une extase divine ponctuelle sans autre promesse pour l’au-delà.

Pour résumer, l’essentiel tient en ce qu’il est célébré dans le secret, à l’abri des regards, en dehors de la sphère publique, même lorsque le culte est reconnu publiquement, qu’il contient nécessairement un ensemble de légendes fondatrices qui sont rejouées en faisant appel à une gamme riche de symboles et que la condition d’accès est l’initiation, acte qui rapproche le mythe de sa divinité et qui peut lui assurer différents types de bienfaits : protection dans l’au-delà, bien-être et prospérité terrestre, bonheur et extase immédiats.

Le culte à mystères recouvre donc une réalité religieuse et mystique, et fonctionne comme un système initiatique établi. Le rapport à l’initiation de la WICCA traditionnelle (ou gardnérienne) est ici fortement visible, cette initiation répondant à la plupart des critères du culte à mystères, à cela près que cette initiation n’a pas tant pour but de fournir à l’initié un sauf-conduit pour l’au-delà (quoiqu’il y ait la promesse de la renaissance avec ses proches aimés dans une vie suivante) mais d’ouvrir les portes de la connaissance de la sorcellerie à travers la connaissance de la Déesse (et du Dieu) en soi et en dehors de soi.

On se situe donc plus dans le cadre du culte à mystères pourvoyant au bonheur immédiat sur terre.

Les mystères féminins
Les mystères féminins sont, quant à eux, finalement plus faciles à définir : il s’agit de l’ensemble des étapes physiologiques que vit la femme, à savoir la menstruation, la maternité, la ménopause, mais aussi éventuellement le vécu d’une fausse couche ou d’un avortement. La célébration de ces mystères consiste à honorer ces étapes de la vie, y célébrer leur sacralité au sein de l’existence et les relier aux représentations de la Triple Déesse.

Célébrer les mystères féminins, c’est reconnaître la Déesse en chaque femme tout au long de son existence, témoigner que chaque femme est la Déesse personnifiée et sa propre prêtresse. Un exemple de réunion d’un culte à mystère avec des mystères féminins fut par exemple les Cereres, un culte à mystères romain et inspiré de celui d’Eleusis, à cela près que les mystères d’Eleusis étaient ouverts aux femmes comme aux hommes, tandis que les Cereres étaient réservés aux femmes et célébraient le lien filial entre Cérès et sa fille Proserpine, enlevée au royaume des morts puis retrouvée.

En fin de compte, peu de cultes à mystères furent également mystères féminins. Il n’en est pas différent aujourd’hui encore, et Wicca et Féminin Sacré ne poursuivent pas les mêmes buts, quand bien même beaucoup de wiccanes célèbrent pour elles-mêmes leurs mystères féminins, les considérant comme complémentaires à leur vie spirituelle. La seule tradition wiccane imbriquant les deux dans ses fondements reste la tradition dianique, plus spécifiquement féminine, et qui a une relecture de l’initiation sous un jour plus féminin, plus lié aux étapes de la vie des femmes.

Retrouvez cet article sur le blog Discor-Dianique Reloaded ! :

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