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vendredi 15 décembre 2017

Chamane et Prêtresse



La femme, qui acquiert la connaissance de son cycle et de ses composantes énergétiques, prend aussi conscience de la vie à un niveau situé au-delà du visible. Elle possède la clé intuitive lui permettant d'accéder aux énergies de la vie et de la mort, de même que la perception de la divinité qui réside en elle et dans la terre. Cela permet non seulement l'influence réciproque de la femme et des aspects visibles, ordinaires de sa vie, mais aussi celle de la femme et des volets invisibles, spirituels de son vécu. C'est grâce à cet état de conscience modifié menstruellement que la femme chamane et médecin, ainsi que plus tard, la prêtresse, mettront leurs facultés, leur savoir et leur rapport avec le divin au service du monde matériel et de sa communauté. Guérison, magie, prophétie, enseignement, inspiration et survie procèdent de leur aptitude à percevoir deux univers, à évoluer dans l'espace qui les séparent et à pratiquer la transposition réciproque des expériences vécues dans l'un et l'autre.

La suprématie masculine croissante au sein de la société et des sphères religieuses a conduit au déclin de la femme chamane et prêtresse, jusqu'à ce que finalement, les hommes occupent leurs positions et remplissent leurs fonctions. Le rôle de la prêtresse a été si profondément et totalement réprimé que les femmes ne jouent plus aucun rôle actif au sein de l'institution religieuse. Le statut moins formel de la femme avertie - la sage - ou de la sorcière peut perdurer dans la « clandestinité » devenant l'ultime lien avec les antiques religions matriarcales.




La sorcière du village était experte en magie de la nature, en l'art de guérir et en « communication », créant une interaction entre elle et son cycle menstruel, les saisons et son moi intuitif profond. Elle offrait son aide et ses conseils lors de la naissance et de la mort, était un facteur d'initiation et d'évolution individuelle à l'occasion des rites de passage, de même qu'elle présidait aux transes rituelles apportant à la communauté cohésion, inspiration et fécondité. Elle apportait l'équilibre de la conscience et des facultés féminines à une société et une institution religieuse dominées par l'homme.

Malheureusement, ces facultés féminines étaient évidemment une menace pour l'édifice social masculin, et, au Moyen Age, les persécutions dirigées contre les sorcières ont en fait anéanti la tradition de « femme éclairée ». En conséquence, en s'en prenant à elles, les persécuteurs reconnaissaient leur pouvoir ; mais la suppression effective du statut de la sorcellerie est victime de la négation de ces facultés féminines par la société. La sorcière devint alors un objet de désunion que les livres pour enfants et la fête d'Halloween (veille de la Toussaint) présentent sous les traits d'un personnage comique. Les premières sanctions prises à leur encontre, puis l'endoctrinement ultérieur mettant l'accent sur la peur et la honte ont dissuadé les femmes d'exprimer leurs aptitudes et leurs besoins de réactualiser la tradition. Les effets directs de leurs persécutions se traduisent encore aujourd'hui, au sein de la société, par le manque d'enseignements spirituels, d'archétypes ou de traditions reconnaissant le caractère de la femme et de ses facultés, ainsi que de conseils dans leur mode d'emploi.

Le refus de nous accorder la possibilité de vivre notre spiritualité de manière active nous oblige à accepter une institution religieuse dominée par l'homme. Afin d'en prendre conscience, nous devons rester « à l'extérieur » de la religion masculine et de celle pratiquée par la majorité de la communauté - attitude difficile à adopter en raison de notre éducation et pouvant induire une forte crainte due au manque de conseils en la matière. La répression de la spiritualité féminine est un phénomène relativement récent dans l'histoire de l'humanité, mais elle s'est opérée de manière si totale que la spiritualité féminine n'a laissé de traces que dans le folklore, l'archéologie, les mythes et les légendes occidentaux, ainsi que dans le besoin de notre ressenti.

La position sociale de la femme s'étant améliorée au cours du vingtième siècle, le besoin croissant d'une spiritualité féminine s'exprimant sous une forme reconnue s'est manifesté. Aussi sous notre pression, certaines églises chrétiennes ont accepté notre accession à la prêtrise mais, bien que cette admission nous reconnaisse en êtres doués d'une conscience spirituelle, elle nie notre caractère féminin. Ainsi, le terme « femme-prêtre », employé au lieu de « prêtresse», fait de nous un « prêtre honoraire », ignorant notre caractère et nos facultés.

Une femme ne peut être prêtre en raison de sa féminité, mais c'est cette féminité même, et la sexualité qui y est associée, qui l'unissent à la conscience du divin, aux rythmes biologiques et à l'univers. La prêtrise nous confère un rôle spirituel reconnu, mais rien de plus. La qualité d'être spirituel est inhérente à la nature et au corps de la femme.

L’aptitude que possède celle qui est tout à la fois une prêtresse, une sage, une chamane et une sorcière peut intervenir comme médiateur des puissances divines. Elle est l'héritage de toutes les femmes et provient de la conscience qu'elles ont d'elles-mêmes. Devenir prêtresse. C’est explorer son monde intérieur. L’image d'une femme tenant un calice n'a pas la même signification que celle d'un homme faisant la même chose, que ce fait soit reconnu sur les plans conscient ou subconscient, et c'est peut-être la raison pour laquelle les femmes vont « prendre la suite » à la tête de l'institution religieuse. Il est nécessaire de redonner vie aux deux images qui doivent être équilibrées, non antagonistes, chacune étant acceptée de plein droit. Les mythes de la femme et de l'homme ne sont pas identiques, mais ils ne sont pas indépendants l'un de l'autre ; ils sont la trame et la chaîne complexes d'une même étoffe aux coloris harmonieux et équilibrés.



Autrefois, le caractère lunaire des femmes était reconnu comme le lien les unissant à l'univers. Son corps était le médiateur qui lui permettait de constater intuitivement que la vie, dans sa diversité, est un tissu de relations réciproques infinies, mais aussi qu'il y a continuité et non plus rupture entre le divin, la création, le cycle de la vie, de la mort et de la renaissance. Ces prises de conscience n'existent pas dans la société moderne et sont difficiles à comprendre à moins qu'elles ne soient vécues directement par l'intermédiaire du corps chez la femme et par l'intermédiaire de la femme chez l'homme. Il n'y a pas plus de place dans la société d'aujourd'hui pour les danses extatiques et l'expression de la spiritualité par la sexualité et le corps que pour la voix de la prophétie ou de l'oracle. Celle-ci est coupée des facultés que confère la féminité, ainsi que de l'inspiration et de l'empathie qui suscitent développement et compréhension, affranchissement de la peur, de la mort ainsi que l'unité esprit-corps-création et divin.

Les progrès de la femme au sein de l'« univers masculin » se sont réalisés sur le plan intellectuel au détriment de son intelligence et de sa créativité intuitive. Les archétypes et  traditions qui pourraient nous guider en répondant à nos besoins et aptitudes sont absents des nouveaux domaines d'activités professionnelles et d'expériences. D'où l'importance essentielle pour nous de remédier à cette carence et de vivre un développement et une reconnaissance au sein de la société dans le respect de notre être sous toutes ses formes.

mercredi 6 décembre 2017

Quelques Archétypes de la Femme Lunaire


Beaucoup de contes vous présentent comme des êtres à double facettes : nous considérant soit sous l'angle positif de la vierge pudique ou de la bonne mère, soit sous l'angle négatif de la maléfique et belle enchanteresse ou de l'horrible sorcière destructrice.


Dans certaines cultures, on pensait que le premier rapport sexuel d'une fille avait lieu avec le serpent, et qu'il était à l'origine de la menstruation, alors que dans d'autres, c'était la morsure du reptile qui provoquait le premier saignement. L’Eve présentée dans L'Eveil et l'Eve du jardin d'Eden se sont éveillées à leur féminité grâce à l'intervention du serpent. La  connaissance de la vie offerte par le fruit et héritage de la féminité, ne peut être accueillie qu'en acceptant également les énergies sexuelles et créatrices rythmiques du reptile.



Le Cheval
Beaucoup de cultures considéraient le cheval et plus précisément la jument, comme le symbole des forces de la fécondité, de l'énergie vitale, de la prophétie, de la magie et des profondeurs émotionnelles et instinctuelles. En particulier, une jument blanche représentait les facultés lunaires et ses fers en forme de croissant apportaient chance et protection. Elle symbolisait l'amour, la fécondité de la terre et la maternité. En un mot, elle détenait la souveraineté. En Irlande, le cheval était intégré aux rites élevant à la royauté. On pensait par ailleurs qu'au moment des moissons, l'âme du blé adoptait l'apparence d'un cheval.

Aujourd'hui à l'occasion des parades ou des manifestations annuelles, on peut encore rencontrer l'image du cheval sous la forme de la marotte d'osier. D'ordinaire c'est un costume, souvent de couleur noire, rouge ou blanche, fait pour une seule personne.

Pour les Celtes, le cheval avait une grande importance. Ainsi la déesse équine Epona était une divinité triple représentée montant une jument, ou accompagnée de juments et de poulains, tenant une corne d'abondance, un peigne, un miroir ou un gobelet. La déesse équine galloise Rhiannon possédait une troupe d'oiseaux dont le chant pouvait réveiller les morts ou endormir les vivants, renvoyant ainsi au côté obscur de la divinité en tant que déesse de la mort et de la renaissance.

Cet animal était associé aux lacs et à la mer autant qu'à la terre. La jument symbolisait la Mère Enceinte des eaux primordiales, source de toute vie. Même aujourd'hui, on fait allusion aux blanches crêtes écumeuses des vogues comme à des «chevaux blancs ». L’eau était associée à l'autre-monde celtique, et le légendaire parle de chevaux magiques qui mèneraient les héros par-delà les mers vers cette terre fabuleuse.

Les contes populaires rapportent que des chevaux magiques passaient les rives des lacs et des étendues d'eau, et que si on essayait de les monter, ils plongeaient le cavalier dans l'eau pour le noyer ou le dévorer. Dans certains contes, on pouvait identifier ces chevaux à leurs sabots et aux fers qui étaient retournés. Ces images reflètent les facettes occultes de la nouvelle lune, représentées par la mort et le transfert dans les profondeurs intérieures.

Les chevaux gardaient le pont entre les mondes visible et invisible, et ils étaient montés par les chamanes, capables d'évoluer entre les deux. On croyait aussi que c'était l'un des animaux en lesquels une sorcière pouvait se transformer. En résumé, le cheval symbolise le cycle lunaire complet. Il représente la dynamique biologique et l'évidente fécondité des phases lunaires visibles, mais il symbolise en même temps les facultés internes, occultes, de transformation et de mort propres à la nouvelle lune.



Le Lièvre
Les lièvres puis, plus tard les lapins, représentaient la fécondité, le dynamisme biologique de la croissance, du renouveau et du plaisir sexuel, de même qu'on les associait étroitement à la lune et à ses divinités. Le lièvre était notamment associé à la déesse Oestra, qui devait par la suite donner son nom à la fête de Pâques. On la représentait avec une tête de lièvre et les animaux qui l'accompagnaient pondaient les oeufs de la vie nouvelle pour annoncer la naissance du printemps - une image que nous retrouvons dans le « Jeannot lapin » pascal.

Norse, divinité lunaire scandinave et Freyja, déesse de l'amour et de la fécondité, étaient toutes deux assistées de lièvres, comme l'était Vénus, divinité romaine. On dit par ailleurs que les motifs visibles à la surface de la pleine lune tracent le portrait d'un lapin ou d'un lièvre, tandis que la tradition orientale montre que cet animal tire sa fécondité de la contemplation de l'astre nocturne. On l'associait aussi aux facultés féminines et lunaires que sont divination, transmutation, folie inspirée et sexualité. La reine celte Boudicca élevait un lièvre pour la divination : avant une bataille et afin de prédire son dénouement, elle le lâchait de sous son manteau et observait la voie qu'il suivait.

L’association du lièvre et de la sexualité est parvenue jusqu'à nous, trouvant à s'exprimer dans le concept d'employée de boîte de nuit habillée en lapin (bunny girls). Il est possible qu'en raison de ces connotations « indésirables » l'église médiévale ait regardé le lièvre comme un animal de mauvais augure. Dès lors, on associa les lièvres aux sorcières et on ne pouvait tuer celle qui en avait pris l'apparence qu'avec un crucifix d'argent ou, plus tard, avec une arme tirant des balles fabriquées dans ce même métal.



La Colombe
Beaucoup de divinités lunaires sont également assimilées à des oiseaux et à la colombe en particulier qui est depuis longtemps associée au féminin divin et à la lune. Elle symbolisait
Ishtar, Astarte, Inanna, Rhea, Déméter, Perséphone, Vénus, Aphrodite, Isis et, plus tard, le
Saint Graal. On la retrouve aussi dans l'iconographie de la Vierge Marie. Elle représentait la reine des cieux, de même que la féminité, la douceur, l'amour, la sexualité, la spiritualité, la sagesse et la paix.

Image de la clarté lunaire, elle apportait au monde sagesse et inspiration. Selon la tradition gnostique, Sophie ou la « Sagesse Sacrée » de Dieu, était représentée par une colombe dont on pensait qu'elle apportait sur la terre la lumière de la mère céleste. Au Moyen-Age, l'art chrétien s'en servait pour symboliser le Saint-Esprit, aussi les tableaux de l'Annonciation et du baptême du Christ la représentent-ils planant respectivement au-dessus des têtes de Marie et de Jésus.

On l'associait aussi à l'Arbre-lune puisqu'elle était posée sur une de ses branches. Une image analogue se retrouve dans les peintures la montrant sur la chevelure d'une divinité lunaire. La figure emblématique de la vie régénérée pour Ishtar et Athéna représentait la colombe tenant un rameau d'olivier dans son bec et l'offrant. Sacrées aux yeux des divinités, les tourterelles l'étaient également pour les Parques, car elles symbolisaient le rapport entre les oiseaux et les pouvoirs lunaires qu'étaient la prophétie et l'oracle. L’oracle antique de Dodona était un chêne habité par un groupe de colombes assistées de nombreuses prêtresses portant elles-mêmes le nom de « colombes ».

Il était prononcé par le chant des oiseaux, le son produit par leur bruissement dans les feuilles ou par leurs battements d'ailes en vol. Les tableaux représentant l'Annonciation montrent parfois une colombe tournant la tête vers l'oreille de Marie, comme si elle lui dévoilait son destin.

Cet oiseau symbolisait la facette de la lune qui dispensait vie et amour, la faculté que possède le caractère féminin de réconcilier dans l'harmonie l'âme et la conscience, l'humanité et la nature, la voix intérieure de la sagesse et l'intuition.

Extrait du livre : La Femme Lunaire de Miranda Gray